L’époque où les étudiants avaient le beau jeu pendant que les employeurs se les arrachaient l’été est peut-être révolue. Selon l’Institut du Québec, depuis quelques mois, il est redevenu plus difficile pour les jeunes de trouver un premier emploi.
L’économiste et directrice principale de l’Institut du Québec, Emna Braham, explique que la tendance semble s’être inversée à partir de la fin de 2023 avec la convergence de deux phénomènes.
D’abord, l’économie québécoise a commencé à ralentir avec la hausse des taux d’intérêt. Les employeurs se sont mis à avoir besoin de moins de bras et de moins de cerveaux.
Comme on partait d’une pénurie de main-d’œuvre, avant de mettre à pied des employés, ils ont d’abord rayé des offres d’emploi pour lesquelles ils n’avaient tout simplement pas de candidatures
, indique l’économiste. Ça fait quand même en sorte qu’il y a moins d’offres d’emploi auxquelles on peut postuler en tant que jeune qui cherche un emploi ou une job pour l’été.
L’économiste et directrice principale de l’Institut du Québec, Emna Braham.
Photo : Radio-Canada
Deuxièmement, en 2023, il y a eu un bond considérable de l’immigration, surtout temporaire et surtout chez les jeunes adultes. Cette immigration a aidé à pourvoir des postes, faisant grimper le nombre de jeunes sur le marché de l’emploi.
Il y a davantage de travailleurs étrangers, d’étudiants étrangers et de demandeurs d’asile, et certaines de ces personnes-là sont allées chercher un emploi. Ça fait aussi en sorte qu’il y a plus de compétition pour les jobs disponibles
, relate Emna Braham.
Les jeunes adultes sont d’ailleurs plus nombreux que jamais au Québec, les fins vingtenaires et débuts trentenaires étant particulièrement bien représentés. Par exemple, selon les données provisoires de Statistique Canada, les hommes de 32 ans étaient le groupe d’âge le plus populeux en 2023.
Ces deux phénomènes et cette concurrence pour les postes disponibles se reflètent particulièrement dans les secteurs propices à employer les plus jeunes, comme en restauration et dans le commerce de détail.
Ce sont ces secteurs qui ont le plus rayé d’offres d’emploi dans les derniers mois, parce qu’ils s’attendent à ce qu’il y ait moins d’achalandage. Or, ce sont aussi les secteurs où il y a davantage de jeunes qui travaillent, donc on est un peu plus nombreux pour un peu moins de postes
, relève la directrice principale de l’Institut du Québec.
Dans la province et au pays, le chômage est tranquillement reparti à la hausse. : il est passé de 7% à 9%”,”text”:”Entre avril 2023 et avril 2024, on voit que le taux de chômage a augmenté pour les jeunes: il est passé de 7% à 9%”}}”>Entre avril 2023 et avril 2024, on voit que le taux de chômage a augmenté pour les jeunes : il est passé de 7 % à 9 %
, fait remarquer l’économiste.
Certaines régions irréductibles échappent encore et toujours à cette tendance. C’est notamment le cas de la région de Québec, où le taux de chômage chez les 15 à 24 ans demeure à 7 %.
Au restaurant Tim Hortons dans le quartier Beauport, à Québec, le propriétaire des lieux reçoit des CV presque tous les jours, alors qu’il y an, un CV par mois se retrouvait sur son bureau.
Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Arsenault
Le taux de chômage est encore vraiment faible, il y a davantage de pénurie de main-d’œuvre et c’est quand même encore difficile pour les employeurs de trouver des candidats, donc ça veut dire peut-être encore un peu plus de facilité pour les jeunes de la région à trouver un emploi
, souligne Emna Braham.
La situation a tout de même changé : à pareille date, l’an passé, le taux de chômage général s’établissait à 1,7 % à Québec. Il est passé à 3,1 % en avril 2024, selon les données de Statistique Canada.
La directrice principale de l’Institut du Québec avance que si ce nouveau contexte perdure et continue à évoluer dans la même direction, une cohorte complète de jeunes pourrait en ressentir des effets à long terme dans leur parcours professionnel.
Si c’est plus difficile de trouver l’emploi désiré en finissant ses études, ça peut être plus long d’avancer dans sa carrière. Il y a des études qui ont démontré que les jeunes qui entrent sur le marché du travail pendant des crises économiques vont avoir des difficultés pendant un peu plus longtemps au cours de leur carrière
, mentionne l’économiste. Par exemple, la crise de 2008 a influencé la perspective des millénariaux qui intégraient le marché du travail durant cette période.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a répondu aux questions d’Alexane Drolet sur les problèmes auxquels font face les jeunes adultes au pays.
Photo : Radio-Canada / Marc-André Turgeon
Emna Braham souligne qu’il y a tout de même un bon côté puisque les jeunes pourraient être encouragés à prendre le temps de se former davantage.
Ce qu’on voyait au cours des dernières années avec un marché de l’emploi qui était très serré, avec des employeurs qui étaient vraiment prêts à tout pour recruter, ça devenait tentant pour les jeunes de quitter les bancs d’école un peu plus tôt parce que c’était plus facile et plus payant
, affirme-t-elle.
L’Institut du Québec est un organisme sans but lucratif gouverné par un conseil d’administration indépendant qui se penche plus particulièrement sur les questions de main-d’œuvre et de développement économique.
Avec des informations de Louis-Simon Lapointe