A Bordeaux,
En ce dimanche d’élections européennes et de match de l’équipe de France, face au Canada, à Bordeaux, il semble plus difficile de prévoir la photo finish des premières que de deviner, même au doigt mouillé, le XI de départ que choisira Didier Deschamps, dans huit jours, à Düsseldorf, contre l’Autriche, premier adversaire des Bleus à l’Euro. Il faut dire que la première rencontre amicale face au Luxembourg, mercredi, toute forcée qu’elle fut pour le sélectionneur, lui a permis de nous en montrer plus que ce que l’on aurait imaginé.
Pour respecter cette tradition bien française qui veut que chaque pilier de comptoir soit un sélectionneur en puissance, nous vous dévoilons aujourd’hui en exclusivité mondiale, les dessous de ce qui se trame dans la tête de Deschamps à une semaine du coup d’envoi de la compète.
Il y a un an et demi, dans une longue et intéressante interview de Deschamps dans le magazine So Foot, celui-ci avait donné le fond de sa recette, celle qui doit permettre aux Bleus, favoris de chaque compétition depuis le sacre de 2018 en Russie, d’être les derniers sur l’épreuve finale des poteaux. « Ce n’est pas parce qu’on a gagné avec une approche (tactique) que l’on gagnera toujours avec celle-là », avait-il théorisé à l’époque.
Et voilà donc comment, à la surprise générale, son équipe s’est présentée face au Luxembourg dans un système en 4-3-3, voire un 3-5-2, avec le ballon, glissant vers un 4-4-2 à plat à la perte de celui-ci. Fini donc pour le moment le 4-2-3-1 des campagnes russes et qataries, désormais célèbre à l’international et qui, on l’a vu à différentes reprises à Doha, notamment face à l’Angleterre en quart et l’Argentine en finale, ne surprend plus personne.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, Didier Deschamps est plus Napoléon que Robespierre. Les révolutions permanentes, très peu pour lui. Ainsi, si son système peut évoluer au gré des temps, l’animation, elle, ne change pas fondamentalement. On peut donc s’attendre à voir des impondérables : comme la position de Théo Hernandez plus haut que son homologue de l’aile droite, Jules Koundé, avec, pour compenser, un ailier gauche devant le Milanais chargé de faire le sale boulot défensif, sans rechigner.
Au milieu, on devrait à nouveau avoir un Griezmann au four et au moulin, entouré de deux généraux ratisseurs de ballon et, en attaque, un Kylian Mbappé libre comme l’air à qui l’on ne demande aucuns efforts défensifs, ou si peu. Dans ce puzzle déjà bien assemblé, reste maintenant à savoir quels hommes ont une carte à jouer ce dimanche face au Canada, dans l’optique de gagner un ticket pour le XI type du 17 juin face à l’Autriche.
Sur ce point, les incertitudes sont rares, autant que les places à prendre. Outre Maignan dans les buts, on se dirige sans trop de crainte de se planter vers une défense à quatre Hernandez – Konaté – Upamecano – Koundé. Les mots de Jonathan Clauss, auteur d’une bonne entrée et d’un but sublime face au Luxembourg, ne disaient rien d’autre que ses certitudes de ne pas avoir droit à autre chose qu’un rôle de doublure. « Mes objectifs personnels je les laisse de côté. Je suis concentré mais je savoure énormément. Je ne me focalise pas du tout sur le temps de jeu, si je suis amené à jouer, je donnerai le meilleur de moi-même, si je suis amené à encourager les potes sur le côté, je le ferai de la même façon. »
Au milieu, en plus de Griezmann, on voit mal Deschamps se priver de l’expérience et de l’abattage de N’Golo Kanté, dont l’heure de jeu à Metz mercredi n’a pu que rassurer le staff sur sa capacité à répéter les efforts et à se mettre au niveau d’exigence d’un football européen qu’il a quitté il y a un an. Reste donc une place à prendre. Là, tout dépendra de l’évolution physique d’Aurélien Tchouameni, victime d’une fracture de fatigue au métatarse (pied gauche) avec le Real et qui n’a plus joué depuis le 8 mai.
A nouveau ménagé ce soir face au Canada, l’homme de base du milieu de DD au Qatar aura une semaine avant l’Autriche pour se tester. S’il devait être trop juste, on pourrait alors imaginer voir Eduardo Camavinga débuter. Si celui-ci n’a jamais vraiment eu sa chance en équipe de France à son vrai poste, Deschamps le pragmatique l’ayant surtout utilisé au poste d’arrière gauche au Qatar, la saison qu’il vient de faire à Madrid dans le milieu à trois de Carlo Ancelotti parle pour lui cet été.
« Mes ambitions sont claires, c’est d’être titulaire et d’avoir un maximum de temps de jeu », a-t-il très clairement assumé en conférence de presse en fin de semaine. Mais n’oublions pas non plus le Duc Adrien Rabiot, qui peut aussi avoir une carte à jouer dans cette concurrence au milieu, lui dont la situation physique s’améliore après une fatigue musculaire depuis le début du rassemblement
Devant, la question est de savoir qui accompagnera l’ancienne doublette du PSG Mbappé-Dembélé. Si l’on se base sur le premier match amical de mercredi et sur la compo probable de ce dimanche soir, il semblerait que l’Intériste Marcus Thuram tienne la corde, et c’est peut-être là la plus grosse surprise de ce rassemblement. L’ancien Guingampais a pour lui de très bien s’entendre (dans le jeu et dans la vie) avec Mbappé, mais aussi et surtout de lui être totalement dévoué, en acceptant de jouer les commis du grand chef et de faire les efforts défensifs à la perte du ballon.
Un rôle à la Matuidi au Mondial 2018, auquel Rabiot peut aussi postuler. Il l’avait déjà fait avec un certain talent face au Portugal en Ligue des nations en 2021. On pourrait aussi évoquer le cas de Bradley Barcola qui, comme l’a laissé entendre Deschamps mercredi, « est capable de débuter un match ». Mais celui-ci semble toutefois destiné à jouer le joker de luxe, celui qui fout le bazar en attaque une fois l’adversaire lessivé d’avoir pisté Mbappé. Idem pour Giroud, qui part pour sa dernière compétition internationale dans la peau d’un remplaçant, mais dont la capacité à doubler la concurrence en roue arrière n’est pas à prendre à la légère malgré ses 37 ans.
Maintenant que l’on a répondu au quoi et au qui, reste le comment. Oui, comment faire évoluer cette équipe et « poser le plus de problèmes à l’adversaire », selon la phrase-totem que Deschamps répète jusqu’à l’épuisement. Sur ce point, le sélectionneur n’a de cesse de nous vendre un produit qu’il n’a que rarement en magasin : la domination, la volonté « d’avoir le ballon ». Mais il faut prendre cette promesse de campagne pour ce qu’elle est.
A savoir un savant mélange de mauvaise foi inconsciente et de leurre pour l’adversaire. On le sait toutes et tous, il y a peu de chance pour qu’on prenne un pied intégral à voir les matchs des Bleus cet été. Ce n’est pas pour rien si Griezmann – qui connaît bien son DD – nous a de son côté promis de la bouillie, du « chiant » et des larmes, seule manière selon lui d’aller loin dans une compétition internationale. Pour le coup, le Colchonero n’a fait que dire tout haut ce que le sélectionneur français pense tout bas : ça va défendre comme pas permis et piquer en phase de transition. On s’est fait à l’idée de toute façon. Qu’importe le flacon pourvu qu’il y ait l’ivresse.