Quand un athlète multiplie les victoires tout en pulvérisant les records, aussitôt, des questions se posent et l’ombre du dopage se remet à planer. Surtout quand on est cycliste. Inutile ici de rappeler les scandales de dopage qui ont entaché ce sport au niveau professionnel.
S’il y en a un qui fait couler beaucoup d’encre en ce moment, c’est bien Tadej Pogacar. Après un doublé au Tour de France, voilà que le Slovène s’offre le Tour d’Italie.
Le cycliste de 25 ans a assommé la compétition en repoussant son plus proche poursuivant au classement général, le Colombien Daniel Martinez, à presque 10 minutes. D’ailleurs, sur les réseaux sociaux colombiens, on s’enflamme et on n’hésite pas à accuser Pogacar de dopage.
Pour expliquer ses exploits, certains diront qu’il n’avait pas de véritables rivaux et que les gros noms, comme Vingegaard, Van Aert, Roglic ou Evenepoel, étaient absents.
Mais le 3e au classement de ce Giro est tout de même le Britannique Geraint Thomas, relégué à plus de 10 minutes!
Il faut ajouter à ce palmarès étonnant le Tour d’Italie le plus rapide de l’histoire, avec une moyenne de 41,86 km/h. L’année dernière, elle était à 39 km/h.
Le Slovène Tadej Pogacar
Photo : Reuters / BENOIT TESSIER
Sans oublier que Pogacar a également remporté six étapes avec une facilité déconcertante, en écrasant toute concurrence.
Les arguments principalement avancés pour expliquer ces exploits sont bien sûr l’évolution du matériel, avec des vélos plus performants et un meilleur aérodynamisme, la qualité de sa préparation physique et les qualités exceptionnelles du jeune Pogacar.
Néanmoins, cette très grande domination soulève des questions et des voix discordantes se font entendre. Des échos pas forcément des plus flatteurs.
En 2023, le Slovène a survolé la course italienne Strade bianche en terminant les 80 derniers kilomètres en solitaire. Il a franchi la ligne d’arrivée en laissant son poursuivant à 2 min et 43 s à l’issue des 215 kilomètres du parcours.
Cette performance avait laissé songeur l’ancien coureur et ancien gérant de l’équipe Cofidis, Éric Boyer, qui partageait alors son scepticisme dans les pages du quotidien français Le Parisien.
ans, des coureurs gagnaient chargés de produits illicites. Aujourd’hui, je constate des niveaux supérieurs à des mecs dopés.”,”text”:”Le cyclisme reste un sport qui a toujours souffert du dopage et il n’y a aucune raison qu’il ait disparu, déclarait-il. Je fais le simple constat qu’il y a 20ans, des coureurs gagnaient chargés de produits illicites. Aujourd’hui, je constate des niveaux supérieurs à des mecs dopés.”}}”>Le cyclisme reste un sport qui a toujours souffert du dopage et il n’y a aucune raison qu’il ait disparu, déclarait-il. Je fais le simple constat qu’il y a 20 ans, des coureurs gagnaient chargés de produits illicites. Aujourd’hui, je constate des niveaux supérieurs à des mecs dopés.
UCI n’a rien trouvé pendant 12ans. En six mois, l’Agence américaine antidopage avait déniché la faille. Quand on veut chercher, on trouve!”,”text”:”Rappelons que sur Lance Armstrong, l’UCI n’a rien trouvé pendant 12ans. En six mois, l’Agence américaine antidopage avait déniché la faille. Quand on veut chercher, on trouve!”}}”>Rappelons que sur Lance Armstrong, l’UCI n’a rien trouvé pendant 12 ans. En six mois, l’Agence américaine antidopage avait déniché la faille. Quand on veut chercher, on trouve!
, avait-il ajouté.
Tadej Pogacar
Photo : Twitter/UAE-TeamEmirates
Dans le cadre de sa lutte contre le dopage, l’ancien entraîneur de l’équipe Festina, Antoine Vayer, étudie les watts développés par les coureurs.
Ahurissant, inhumain
, a-t-il publié sur le réseau social X au sujet de la récente performance de Pogacar au Giro.
m avant le sommet du col de Foscano. Il a monté à 28,5km/h sur les pentes à 6% pendant 14minutes en développant entre 450et 510watts-étalons! C’est inhumain, grotesque après six heures de course et trois autres cols, qui plus est en haute altitude.”,”text”:”Il a attaqué à plus de 2000m avant le sommet du col de Foscano. Il a monté à 28,5km/h sur les pentes à 6% pendant 14minutes en développant entre 450et 510watts-étalons! C’est inhumain, grotesque après six heures de course et trois autres cols, qui plus est en haute altitude.”}}”>Il a attaqué à plus de 2000 m avant le sommet du col de Foscano. Il a monté à 28,5 km/h sur les pentes à 6 % pendant 14 minutes en développant entre 450 et 510 watts-étalons! C’est inhumain, grotesque après six heures de course et trois autres cols, qui plus est en haute altitude.
et 100watts de moins sur le final”,”text”:”La fraîcheur de Pogacar à l’arrivée contrastait avec l’épuisement de tous les autres concurrents de la tête qui ont pédalé entre 80et 100watts de moins sur le final”}}”>La fraîcheur de Pogacar à l’arrivée contrastait avec l’épuisement de tous les autres concurrents de la tête qui ont pédalé entre 80 et 100 watts de moins sur le final
, a-t-il conclu.
Le journaliste du quotidien Ouest-France Vincent Coté abonde dans le même sens et s’interroge lui aussi.
Pogacar, vainqueur inaccessible n’ayant jamais donné l’impression de s’épuiser dans l’effort, ce qui rappelle Armstrong et Froome des grandes heures, c’est-à-dire l’époque sombre d’un cyclisme entré et perdu en décadence
, a-t-il écrit.
Les patrons de Pogacar ont un C.V. aussi pollué que le site de Tchernobyl. Mauro Gianetti et Matxin Fernandez devraient être radiés en raison de leur triche avérée si les instances respectaient les principes éthiques qu’ils avaient édités puis oubliés
, lance Vincent Côté.
et Gianetti tout près de mourir sur le Tour de Romandie? Faut-il rappeler Saunier Duval, Ricco et Piepoli? L’histoire des tricheurs, c’est la pénitence d’un cyclisme qui se ment à lui-même et reste faible devant tant de corruption”,”text”:”Faut-il rappeler les PFC [perfluorocarbures, NDLR] en 1998et Gianetti tout près de mourir sur le Tour de Romandie? Faut-il rappeler Saunier Duval, Ricco et Piepoli? L’histoire des tricheurs, c’est la pénitence d’un cyclisme qui se ment à lui-même et reste faible devant tant de corruption”}}”>Faut-il rappeler les PFC [perfluorocarbures, NDLR] en 1998 et Gianetti tout près de mourir sur le Tour de Romandie? Faut-il rappeler Saunier Duval, Ricco et Piepoli? L’histoire des tricheurs, c’est la pénitence d’un cyclisme qui se ment à lui-même et reste faible devant tant de corruption
, ajoute-t-il.
Le spécialiste sanguin Marc Kluszczynski a expliqué à Radio-Canada Sports que les PFC ont refait une apparition dans le milieu du cyclisme.
heures de l’organisme, dit-il. Le dernier PFC, l’oxycyte, a vu son développement arrêté en 2014. Il pouvait transporter cinq fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine, tout en étant constitué de particules 50fois plus petites qu’un globule rouge.”,”text”:”Les PFC peuvent véhiculer l’oxygène dans les tissus et disparaissent en 48heures de l’organisme, dit-il. Le dernier PFC, l’oxycyte, a vu son développement arrêté en 2014. Il pouvait transporter cinq fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine, tout en étant constitué de particules 50fois plus petites qu’un globule rouge.”}}”>Les PFC peuvent véhiculer l’oxygène dans les tissus et disparaissent en 48 heures de l’organisme, dit-il. Le dernier PFC, l’oxycyte, a vu son développement arrêté en 2014. Il pouvait transporter cinq fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine, tout en étant constitué de particules 50 fois plus petites qu’un globule rouge.
Le spécialiste pense même que de nouvelles hémoglobines sont déjà utilisées, de manière évidemment expérimentale. Notamment des hémoglobines animales qui auraient des capacités oxygénantes hors du commun et qui seraient indétectables.
Quand il était coureur cycliste, le Suisse Mauro Gianetti a été victime d’une grave défaillance au Tour de Romandie, en 1998. Les médecins avaient alors détecté chez lui la présence de ces PFC, un produit dopant expérimental qui aurait pu lui coûter la vie. Il a passé 3 jours dans le coma et 12 autres aux soins intensifs.
Tadej Pogacar au sommet à Livigno
Photo : La Presse canadienne / Massimo Paolone/AP
Il a ensuite pris sa retraite du vélo pour diriger les destinées de l’équipe Saunier Duval.
Au Tour de France de 2008, un de ses cyclistes, l’Italien Ricardo Ricco, a été déclaré positif à l’EPO, un scandale qui avait fait dire au directeur de la Grande Boucle, Christian Prudhomme, d’habitude très réservé sur la question de dopage : Gianetti n’est pas un parangon de vertu.
L’ancien champion français Stéphane Heulot connaît bien Gianetti, car ils avaient été dans la même équipe à La Française des jeux.
Celui qui a porté le maillot jaune durant trois jours à sa première participation, en 1996, avait alerté les autorités et même les propriétaires de l’équipe Saunier Duval, à l’époque, sur le passé sulfureux de leur gérant.
Ouest-France. Jusqu’ici, cela ne se voyait pas trop parce que les coureurs de Saunier Duval ne marchaient jamais sur le Tour. Mais après ce qu’on a vu dans les Pyrénées…”,”text”:”Le dopage est tellement ancré chez certains managers, comme Gianetti, qu’ils ne peuvent pas concevoir le cyclisme autrement, avait-il déclaré au quotidien Ouest-France. Jusqu’ici, cela ne se voyait pas trop parce que les coureurs de Saunier Duval ne marchaient jamais sur le Tour. Mais après ce qu’on a vu dans les Pyrénées…”}}”>Le dopage est tellement ancré chez certains managers, comme Gianetti, qu’ils ne peuvent pas concevoir le cyclisme autrement, avait-il déclaré au quotidien Ouest-France. Jusqu’ici, cela ne se voyait pas trop parce que les coureurs de Saunier Duval ne marchaient jamais sur le Tour. Mais après ce qu’on a vu dans les Pyrénées…
Rappelons que lors de ce Tour de France, à la surprise générale, les cyclistes de l’équipe Saunier Duval, Ricco et Piepoli, avaient fait exploser la course avec leurs exploits en haute montagne. Les deux ont plus tard été rattrapés par le dopage.
Tadej Pogacar a remporté son premier Giro.
Photo : AFP / Via Getty / Luca Bettini
Un jeune qui affole les chronos et qui multiplie les exploits avec un entourage immédiat au passé sulfureux, c’est assez pour raviver le climat de suspicion.
Tadej Pogacar veut maintenant devenir le huitième coureur de l’histoire à réaliser le doublé Giro et Tour de France.
Sans rapidement sauter aux conclusions, certains observateurs rappellent qui étaient les sept cyclistes à avoir réalisé le doublé.
L’Italien Fausto Coppi en 1949 et 1952. Il avait déclaré que le secret de ses triomphes était ce qu’il appelait la bomba, un mélange d’amphétamines.
Le Français Jacques Anquetil, qui avait reconnu que gagner sans se doper
était impossible
.
De nombreux soupçons ont aussi pesé sur le Belge Eddy Merckx et sur le Français Bernard Hinault qui, en passant, avait longuement soutenu Lance Armstrong. Sans oublier l’Irlandais Stephen Roche.
Quant à l’Espagnol Miguel Indurain, il a été déclaré positif en 1994, tandis que celui que l’on surnommait le pirate, l’Italien Marco Pantani, a été exclu en plein Tour d’Italie qu’il s’apprêtait à remporter.
C’est donc dans ce palmarès que le Slovène veut inscrire son nom…